Il était une fois... les télépathes ! (III)

Si les capacités militaires des télépathes peuvent être inquiétantes, il ne faut pas oublier que ça fait d'eux des cibles prioritaires en cas de conflit...

Bonjour !

La dernière fois, nous avons vu que l'existence des télépathes implique nécessairement de redéfinir - notamment au sens juridique - la vie privée. Jusqu'où peuvent-ils aller et dans quel cadre ?

- Comment définir le champ juridique concernant les télépathes ?

J’ai dit précédemment qu’un télépathe pouvait « sonder » un suspect dans un crime afin d’établir sa culpabilité. Néanmoins c’est ouvrir la voie à une perquisition mentale de tous les citoyens et ça revient à violer l’intimité des pensées de la personne concernée, ce que tout un chacun ne peut que cauchemarder si ça lui arrivait. Nos pensées nous sont personnelles et l’idée qu’un autre puisse les voir, ou pire, les influencer est insupportable pour toute personne normalement constituée. Néanmoins, la raison d’état ou le besoin de mettre un assassin particulièrement dangereux hors d’état de nuire rapidement, peuvent entrer en conflit avec les droits personnels de l’individu. On entre dans un débat quasiment philosophique opposant l’intérêt publique aux droits fondamentaux individuels. Pour ma part, j’estime que quel qu’en soit la raison, le « sondage » doit être volontairement accepté par le sondé. Il peut accepter cette hypothèse afin de prouver son innocence si les preuves sont contre lui mais je pense qu’on ne devrait jamais légaliser le principe du sondage judiciaire non consenti. C’est un avis personnel et de toute façon, il implique la présence de télépathes travaillant avec la police dans un cadre bien défini, ce qui implique une foule d’autres hypothèses

Toujours en supposant que dans notre situation utopique (ou dystopique selon les avis) il y a des télépathes travaillant de manière réglementée avec la police, il reste à définir la valeur judiciaire d’un sondage télépathique. Car même s’il a vu la vérité, le télépathe peut toujours mentir pour des raisons diverses et raconter une histoire différente... Qui sera tout aussi, voire plus, difficile à démonter. Quelle garanties peut-on avoir de la parole d’un télépathe ? Car même en supposant que le télépathe puisse, d’une manière ou d’une autre, transmettre ce qu’il a « vu », il peut très bien avoir « construit » une séquence fictive qu’il « transmet » aux autres et fait passer pour la vérité.

Bref, c’est la parole de l’accusé contre celle du télépathe. Une méthode simple serait de vérifier les dires d’un télépathe par un autre télépathe... Mais cela implique de refaire un sondage télépathique... le viol des émotions une fois est assez traumatisant donc infliger ce sondage de nouveau est polémique...

On ne peut pas dénier toute valeur juridique aux déclarations d’un télépathe. Même si elles n’avaient aucune valeur légale, les familles de la victime ou de l’accusé seraient très attentives aux dires d’un télépathe. La valeur symbolique de ces paroles ne pourra être simplement écarté par les tribunaux. prenons un exemple concret : un accusé est déclaré coupable par le juge mais innocent par un télépathe qui l’a sondé. Il y aura inévitablement un scandale. Le juge ne pourra pas simplement déclarer que le télépathe s’est trompé ou a « mal vu ». Les gens voudront une révision du jugement.

Par contre, si un télépathe est accusé, il est probable qu’on utilise aucun sondage télépathique ni télépathe de peur d’une entraide entre le télépathe-accusé et le télépathe-judiciaire ou que l’accusé trompe le sondage télépathique.

On voit donc que la simple introduction de « quelques » télépathes aura des conséquences énormes sur le plan judiciaire et la question, loin de pouvoir être écartée ou négligée, exige un grand travail de réflexion quasiment philosophique sur la redéfinition de l’intimité.

- et l'utilisation militaire ? 

C'est vrai, on avait dit qu'on y reviendrait car l'armée - même aidée de robots et d'IA - reste principalement composée d'humains, qui pourraient donc être détectés/manipulés/dissimulés par des télépathes ?

En fait... oui et non. On peut légitimement supposer que quand un télépathe utilise son pouvoir, il s'épuise plus rapidement. Alors, s'il doit influencer 100 hommes potentiellement entraînés à fermer leur esprit... peu de télépathes auront la puissance pour parvenir à un résultat. Sans oublier trois choses :

- les télépathes sont très peu nombreux, une armée même bien garnie en hommes n'en disposera que de quelques dizaines au maximums car en plus de leurs capacités, ils doivent être formés, compatibles avec des opérations militaires (pas d'objecteurs de conscience ni de sociopathes par exemple, qui seront probablement proportionnellement plus nombreux)... de fait, leur impact sera local mais a peu de chance d'influencer sur le déroulé d'une guerre à eux tous seuls

- l'ennemi disposera probablement aussi de télépathes ce qui peut neutraliser l'avantage aquis. D'autant que l'existence de télépathe entraînera la création de stratégie de brouillage / incapacitantes... l'adversaire sait comment limiter l'efficacité des télépathes

- Même en supposant qu'un télépathe soit un sérieux atout militaire, cela en fait aux yeux de l'adversaire une cible prioritaire. Vient alors le dilemne bien connu d'utiliser son atout au risque de le perdre... Car un télépathe sera bien démuni face à un essaim de drones tueurs par exemple...

Bref à mes yeux, le télépathe n'aura pas énormément d'influence sur le champ de bataille, surtout du fait de sa rareté et de la capacité de l'ennemi à limiter son efficacité. En revanche, il peut avoir davantage d'utilité pour les opérations spéciales où son rôle serait comparable à celui qu'il aurait dans les mafia et autres organisations illégales ou terroristes.

Mais heureusement, il n’y a pas de télépathes, pour ma part je me suis bien amusé, et donc nous n’avons pas de raison de nous tourmenter. Enfin, en est-on sûr ?...